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Lorsqu'un employé ou un dirigeant d'entreprise occupe un bien qui appartient à son entreprise sans payer de loyer, on considère généralement qu'il bénéficie d'un avantage qui doit faire l'objet d'une taxation. Le calcul de cet " avantage de toute nature " doit en principe être évalué à sa valeur réelle.Le code des impôts sur les revenus autorise le gouvernement à fixer forfaitairement certains de ces avantages par arrêté royal. Tel a été le cas de l'occupation gratuite d'immeubles par des employés ou des dirigeants puisque l'AR/CIR a prévu une formule qui permet de déterminer cet avantage de manière forfaitaire.La version actuelle de cette formule prévoit que l'avantage est calculé en fonction du revenu cadastral. La valeur d'un immeuble mis à disposition par une société est ainsi, en application de cette formule, estimée égale à 100 / 60 du revenu cadastral indexé, multipliés par 1,25 si le revenu cadastral est inférieur à 745 euros et par 3,8 s'il dépasse ce montant.Le coefficient multiplicateur n'est en revanche pas applicable lorsque c'est une personne physique qui met l'immeuble à la disposition de l'un de ses employés.Pour illustrer cette formule par un exemple, prenons le cas de deux employeurs, l'un étant une société et l'autre une personne physique, mettant à la disposition d'un employé un immeuble dont le revenu cadastral est fixé à 1.500 euros (le coefficient d'indexation en 2018 s'élève à 1,7863). Dans le premier cas, en appliquant la formule prévue par l'arrêté royal, on obtient un montant de 16.969,85 euros d'avantage de toute nature qui sera taxé à l'impôt des personnes physiques en supplément des revenus professionnels (1500 euros x 100 / 60 x 1,7863 x 3,8). Dans le second cas, l'avantage de toute nature généré se monte à 4465,75 euros.Tout un chacun sait que les règles du droit belge, auxquelles n'échappent pas les règles du droit fiscal, sont soumises aux principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination qui interdisent d'une part, de traiter les individus de manière différente qui se trouvent dans des situations comparables et, d'autre part, de traiter de manière identique des individus de manière identique qui se trouvent dans des situations différentes, ont rapidement trouvé une oreille attentive auprès des conseillers des Cours d'appel de Gand et d'Anvers qui ont estimé que l'administration n'a pas pu fournir de justification " raisonnable et objective " à l'application d'une formule différente aux deux cas de figure que nous vous avons exposé ci-dessus.Il était d'ailleurs entendu que le gouvernement, lorsqu'il a amendé l'arrêté royal d'exécution du code des impôts sur les revenus, voulait lutter contre une pratique bien ancrée qui consistait à acquérir des biens immobiliers avec une société opérationnelle. Ces biens immobiliers qui étaient ensuite occupés à titre privé par le dirigeant d'entreprise et sa famille. Ce type de construction juridique ne pouvait pas être mis en place sans le truchement d'une société, c'est la raison pour laquelle la formule n'a pas été modifiée dans le second cas qui concerne les personnes physiques.Les cours d'appel d'Anvers et de Gand, ne pouvant bien entendu pas réécrire la loi ou l'arrêté royal, ont simplement déclaré illégale la majoration différenciée entre les personnes physiques et les sociétés.L'administration, par l'intermédiaire du ministre des finances, a reconnu l'illégalité de ce traitement discriminatoire et accepte désormais de gommer ce coefficient différencié. Le gouvernement a bien chargé le ministre des finances de revoir les règles qui s'appliquent à cet avantage de toute nature, mais dans l'attente, l'avantage sera évalué conformément à la formule applicable pour la mise à disposition par des personnes physiques (100 / 60 du revenu cadastral indexé de l'immeuble sans appliquer le coefficient de 1,25 ou de 3,8).Une circulaire récente de l'administration fiscale se range à l'avis du ministre des finances. La circulaire précise que les contribuables peuvent contester les impôts qui ont été enrôlés illégalement s'ils sont encore dans le délai pour le faire.Le délai pour contester une telle taxation est de six mois à dater de l'envoi de l'avertissement-extrait de rôle. Les contribuables qui ont déjà introduit une réclamation qui n'a pas encore été tranchée, pour quelque motif que ce soit, pourront encore jusqu'à la fin de la procédure, faire valoir cet argument et obtenir gain de cause.Une autre procédure, celle du dégrèvement d'office, permet de revenir cinq ans en arrière, mais l'administration considère qu'il n'est pas possible d'en faire usage parce que cette procédure postule l'invocation d'un " élément nouveau ", ce qui n'est pas le cas d'un revirement de jurisprudence selon elle. Cette position administrative doit selon être nuancée, puisqu'il a déjà été admis que la constatation de l'inconstitutionnalité d'une disposition fiscale est un fait nouveau qui pouvait justifier l'introduction d'une demande de dégrèvement d'office.Dans l'attente de la modification de la législation fiscale, ces deux arrêts et la position administrative qui en a découlé constituent une bonne nouvelle pour les contribuables qui occupent un bien appartenant à une société puisque le montant de l'avantage de toute nature qui résulte de l'occupation privée d'un tel bien a considérablement été réduit, pour une année au moins.Il est incontestable que la formule sera rapidement modifiée pour atteindre à nouveau les mêmes valeurs que celles qui étaient prévues auparavant et peut-être même (nous sommes en Belgique tout de même) les dépasser. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés des futurs changements législatifs.