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ExpositionExposition exceptionnelle par la qualité des objets présentés et par l'aspect global (à l'image de celle de Galien) de son approche qui décrit aussi l'environnement dans lequel le Grec évolua, à savoir la Rome du deuxième siècle après Jésus-Christ. Vingt ans après avoir consacré une exposition à la figure d'Hippocrate, voici que le musée royal de Mariemont se consacre cette fois à celle de Galien. Lequel souffre de l'ombre portée de son prédécesseur qu'il a commenté dans l'histoire médicale d'après la commissaire Anne Verbanck-Piérard " alors qu'il est sans doute plus important dans notre compréhension de la médecine antique ". Ce qui n'est pas le cas chez les pharmaciens où le cours galénique reste essentiel (puisqu'il composait lui-même ses préparations) et où il reste une figure tutélaire au point que les étudiants terminant leurs études prêtent le serment de Galien. La mise en scène voulue par le musée suit la biographie publiée dans les années 2000 par Madame Véronique Boudon-Milot sur la vie du scientifique antique. S'appuyant sur les prêts de 25 institutions, l'expo débute par l'enfance de cet "honnête homme" de l'Antiquité formé par une lignée d'architectes, ce qui explique son souci d'exactitude et la méthodologie qui présideront à ses observations. Observations écrites dans une langue très imagée auquel se réfèrent un calame et un papyrus de l'époque décrivant selon Galien le système artériel et veineux, disposés en face d'une boîte à médicaments et d'instruments du deuxième siècle avant notre ère. Né à Pergame en Turquie, Galien (adjectif qui signifie calme et serein) parle à la fois grec et latin : très jeune, il entreprend à 24 ans, après avoir suivi des cours de médecine, des voyages d'études à Smyrne et Alexandrie : voyage illustré dans cette exposition très fluide et à la mise en scène volontairement neutre, par des objets comme des instruments de chirurgie en bronze ou une lampe à huile décorée d'une vue de l'antique ville du Caire. Médecin déjà réputé, et de retour à Pergame, il devient médecin des gladiateurs (deux statuettes en bronze les représentant illustrent notamment cet espace), sportifs de haut niveau de l'époque : ce qui en dit long sur la réputation du jeune médecin, qui décrit déjà la circulation artérielle.Mais sa réputation il l'a fera surtout à Rome qu'il découvre et où il s'installe : se basant sur la dissection d'animaux (celle de cadavres humains est interdite, aurait-il précédé Vésale s'il avait pu?), il s'oppose à des confrères qui prétendent que c'est de l'air qui coule dans les veines. Ce qui fera couler... beaucoup d'encre, sa qualité médicale étant l'objet de jalousie de la part de certains confrères : ici des stèles de médecins contemporains peuplent l'espace muséal, dont celle exceptionnelle, car jamais montrée de Suestilius, un oculiste, où celle également mortuaire de Scribona, qui était accoucheuse et qui la représente en pleine action. Plus loin, une maison de médecin découverte en 1989 à Rimini est détaillée : y ont été retrouvés les plans et notamment les pièces destinées aux soins et des instruments au nombre de 150 !Galien fut un médecin qui soigna aussi bien les gens du peuple que des empereurs, ce qui permet à l'expo de Mariemont de montrer des bustes remarquables de Septimus Sévère, de Marc Aurèle et de son fils Commode... qui ne l'était pas du tout. Galien a écrit près de 150 traités dont seul un huitième nous est parvenu ce qui fait tout de même 20 000 pages !Parmi les titres, on trouve notamment " exercice avec la petite balle "ou " conseil pour un enfant épileptique ". Des papyrus d'époque reprenant des extraits du traité sur les facultés naturelles ou du fameux serment sont exposés.Un Galien qui ne peut pas grand-chose face aux grandes épidémies colportées par les légionnaires depuis l'Orient. Notamment la fameuse peste galénique qui est en fait la variole pour laquelle l'on recommande contre son souffle mauvais de respirer du laurier et pour lequel Galien conseillait la mise à l'écart et la consommation du lait de Stabies. Dans une société où l'espérance de vie se situe entre trente et quarante ans, la mortalité infantile (très beau masque funéraire venu d'Égypte) et les maladies infectieuses sont souvent les causes de mortalité. On se servait de statues de bossus (un des handicaps répertoriés) bizarrement comme d'une amulette éloignant la maladie... Quant aux remèdes, l'expo démontre au travers notamment de statues d'athlètes que la médecine galénique se voulait avant tout préventive, recommandant le sport, et un mode de vie diététique (mot qui vient du mot grec régime). Pour illustrer encore, un papyrus est présenté montrant une prescription médicale assortie du dicton " la santé est le meilleur des biens ". Quant à la thériaque et ses soixante ingrédients, mis à part l'opium, elle fait office de placebo en usage tout de même jusqu'à la fin du 19e siècle. Reste évidemment la religion, car Galien ne la rejette pas, et le " sanctuaire" de l'expo abrite des statues bien sûr d'Asclépios (Esculape en latin), Dieu de la médecine, une autre magnifique d'Hygie et de dieux " importés " d'Égypte comme Sérapis et Isis.Cette très belle et éloquente exposition dédiée à un père de la médecine, se termine sur une salle émouvante reprenant des manuscrits, qui au cours du Moyen Âge et jusqu'à la renaissance vont préserver l'héritage galénique transmis via les monastères. Notamment un remarquable recueil illustré de gynécologie, Le manuscrit dit Mustio, datant du 9e siècle et un traité de la thériaque en arabe du 12e siècle reprenant en dessin les ingrédients, les plantes et les vipères sous forme de fac-similé.L'expo s'arrête au moment où Vésale, aidé de ses dissections sur cadavre humain, reprend le flambeau et corrige les erreurs de Galien... tout en s'en inspirant.Au temps de Galien. Un médecin grec dans l'Empire romain, jusqu'au 2 décembre au Musée royal de Mariemont, chaussée de Mariemont à 7140 Morlanwelz. Renseignemements : 064 21 21 93 info@musee-mariemont.bewww.musee-mariemont.be ouvert tous les jours sauf le lundi de 10 à 17H.Nous vous invitons!Le dimanche 11 novembre prochain à 11h, nous convions les membres du JM Club à découvrir l'exposition Au temps de Galien sous l'égide d'un guide-expert. Merci de vous inscrire via la page club: http://www.lejournaldumedecin.com/jmclub/Au plaisir de vous rencontrer le 11 novembre prochain!Bernard Roisin