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Sur le terrain, il y a longtemps que le malaise court entre eSanté et médecins généralistes. Pour la SSMG, qui se défend en préambule être " anti-informatisation ", cela est dû à deux inadéquations des applications eSanté mises à la disposition des médecins généralistes : elles sont mal adaptées à la pratique de terrain et, bien qu'encore immatures et instables, deviennent obligatoires dans des délais irréalistes. Conséquences, dans la profession ? Des protestations, du découragement et des velléités parmi les généralistes les plus âgés d'abandonner plus tôt que prévu leur activité. " Un comble, à une époque de pénurie rampante. "D'autres problèmes sont également soulevés, comme le dossier patient informatisé dont l'encodage conceptuel nécessite un nouveau cheminement mental de la part des médecins et dont la transition n'est pas facilitée par les outils mis à leur disposition. Les logiciels labélisés sont par ailleurs en proie à des modifications et des hausses de tarifs incessantes pour suivre le rythme effréné de l'eSanté. On citera également que les généralistes ne constatent pas une réduction de charge administrative, bien au contraire.Pour participer au débat en connaissance de cause et pas seulement en s'appuyant sur de vagues on-dit, la SSMG a lancé l'initiative e-Crash, dont elle a exposé les résultats devant la commission nationale médicomut.La SSMG a reçu depuis l'ouverture de ce point de notification, fin juin, quelque 300 témoignages, dont 189 exploitables et 134 émanant de généralistes. Les répondants étaient invités à classer leur(s) problème(s) en diverses grandes catégories : problèmes d'utilisation du logiciel métier, avec le certificat eHealth, avec des e-services, comme MyCareNet ou l'e-prescription, avec le sumehr...L'analyse qualitative des plaintes signalées via e-Crash a mis en évidence des problèmes structurels au niveau de trois piliers de l'e-santé : interopérabilité générale des systèmes et du langage, utilisabilité (ergonomie + convivialité) en pratique médicale et possibilité de coordination multi-prestatairesParticulièrement visé, MyCareNet. " Il y a manifestement, au vu de notifications concordantes, des jours/des périodes de la journée où ce service ne répond plus, ou pas bien ", note la SSMG. " Le formulaire Handicare pour la reconnaissance du handicap auprès du SPF Sécurité sociale donne si peu satisfaction que les médecins finissent par abandonner après quelques tentatives et en retourner au papier. Des problèmes avec le certificat eHealth (ou son renouvellement, fastidieux) ont régulièrement été évoqués par les répondants, obligés de recourir à l'aide d'un informaticien. Ont été cités également la lenteur et l'incompétence du helpdesk officiel, et le développement de helpdesks payants. Le système recip-e, pour la prescription électronique, est également épinglé par les généralistes : il est arrivé qu'il soit indisponible durant de longues heures. Les répondants font observer l'impossibilité de se plier à l'obligation de prescription électronique en visite à domicile. Une remarque qui anticipe une faiblesse : il n'y a pas de liaison synchrone entre l'application mobile PARIS promise par les autorités pour début décembre et le DMI. "" Le déploiement de l'e-santé est sur toutes les lèvres, gage de modernité dans l'organisation des soins de santé, mais il n'y a rien de moderne dans les outils de l'e-santé belge ", regrette la cellule eSanté de la SSMG. " Ils deviennent obligatoires mais ils ont un niveau amateur. En résumé, les médecins généralistes subissent une mauvaise informatisation. "En marge des problèmes rencontrés par chaque MG individuellement, la SSMG nourrit les plus grands doutes quant au fait que le plan eSanté tel qu'il se déploie actuellement puisse être un succès. " Maggie De Block répète souvent que l'e-santé, c'est l'avenir, en dépit des maladies de jeunesse que peuvent rencontrer ses systèmes. Cela vaut peut-être pour les problèmes des services eHealth, mais les problèmes au niveau des DMI, des messageries, de l'architecture et de la gouvernance sont structurels. Sur ce plan, ce ne sont plus des maladies de jeunesse, mais une vraie malformation congénitale ", fustige leDr Vincent Parmentier, responsable de la cellule eSanté.Ce manque de structure peut être corrigé, estime la SSMG, moyennant des adaptations en termes d'architecture, de technologie, de standards... associées à une gouvernance unique, avec un architecte responsable.La SSMG préconise de passer au standard HL7 FHIR, la norme FIHR formant l'épine dorsale des principaux développements eHealth récents en Europe, aux États-Unis, au Canada et en Australie.Ce standard permettrait une interopérabilité optimale pour la société scientifique, ce qui, in fine, réduirait considérablement la part de travail administratif des médecins ainsi que les bugs rencontrés.Par ailleurs, la SSMG milite pour une meilleure convivialité des logiciels eSanté dans leur ensemble. Cela permettrait une meilleure adoption des utilisateurs.Enfin, l'objectif final de l'e-santé étant l'amélioration de la qualité et de l'efficience, il faut implémenter les evidence based pratices (EBP) dans la pratique quotidienne en tenant compte de la multiplicité des prestataires, toujours selon la SSMG. " Il faudrait une coordination des processus de soins multidisciplinaires, avec aide à la décision intégrée dans le flux de travail. Cette formule nécessite un dossier patient central multidisciplinaire, avec des données complètes et standard, et une plateforme ouverte de services web et ou apps de gestion des processus EBP et de support décisionnel. "Pour réaliser ces projets, peut-être faudrait-il penser à un modèle collaboratif dans la conception des outils mis à disposition des généralistes. Cette démarche bottom-up, chère à Maggie De Block, pourrait alors garantir plus de convivialité et une meilleure adoption de l'eSanté en général. Sans doute la ministre estime-t-elle avoir perdu trop de temps pour essayer cette solution.