JdM : Tout le monde dit : " il faut dépoussiérer la nomenclature ". Mais on le fait en réalité tout le temps, que ce soit en MG, en chirurgie, en imagerie médicale, en médecine d'urgence.

Jacques de Toeuf : Tout à fait. Les gens qui disent cela, le disent depuis 15 ans. Ça a commencé avec Rudy Demotte (ndlr : ministre PS des Affaires sociales et de la Santé publique entre 2003 et 2007). Puis cela a été réactivé par Laurette Onkelinx (ndlr : ministre PS des Affaires sociales et de la Santé publique avant Maggie De Block). Cela sert de propagande à tous ceux qui veulent tout mettre par terre et ne veulent plus de nomenclature. Il y a 15 ans, on a commencé à intégrer pas à pas les nouvelles techniques, à calculer le temps que cela prend puis à fixer un prix. Cela s'est affiné au cours du temps. Les études d'impact deviennent de plus en plus solides. Tout d'abord parce que ce n'est plus le groupe qui introduit la demande qui fait tout le boulot. Les services de l'Inami sont impliqués. L'actuariat, devenu extrêmement performant, vérifie leurs propres chiffres de consommation. Leurs prévisions cloppent au demi pourcent près. On ne fait plus du coup pour coup, on prend des ensembles. On a ainsi refait toute la nomenclature de gastro, d'orthopédie, de médecine interne. Ce fut gigantesque. On a mis deux ans et obtenu l'accord de tous. Les prix sont logiques les uns par rapport aux autres. Ils tiennent compte de l'existence de l'acte réalisé dans sa complexité et qui inclut le niveau exigé du prestataire, la durée du post-diplôme (de chirurgie par exemple). On tient compte enfin de la rentabilité. C'est cohérent. On a enfin rééquilibré. L'Absym a obtenu de repartager 250 millions sur 2,8 milliards de prestations techniques sur les prestations intellectuelles (psychiatres, pédo-psychiatries, physiothérapeutes...). Un gros paquet. C'est lent. Les Français ont essayé de modifier l'ensemble de leur nomenclature. Ils ont mis 6 ans et n'ont pu le faire que pour les prestations de médecine interne. En chirurgie, cela n'a pas marché.

Caroline Depuydt : L'important, c'est que cela se réalise au conseil technique médical (CTM) où médecins (syndicats), mutuelles et universités notamment sont représentés. Les demandes d'adaptation peuvent venir de tous les groupes. Je suis dans le groupe de médecine interne du CTM. J'ai des demandes extrêmement pratiques venant des prestataires eux-mêmes. On peut en discuter et avancer dans un processus de révision. Cela colle aux besoins.

Médecine générale

Pour l'Absym, le médecin généraliste est l'expert des soins chroniques... On le dit au centre depuis des années mais on a l'impression qu'il perd du terrain d'année en année...

Pierre Zaeytydt : On veut rester le case manager du patient. Car avec l'AR 78, nous voyons arriver des demandes des paramédicaux de poser des diagnostics, mettre des traitements en place. Le MG doit rester au centre et non pas se situer sur une simple pétale d'une pâquerette dont le centre du pistil est occupé par le patient. Nous voulons au contraire être le co-gestionnaire avec le patient de sa santé. Nous sommes tout à fait d'accord d'entrer dans la multidisciplinarité mais nous voulons conserver la responsabilité. Si des paramédicaux veulent faire des actes de prescription, ils doivent en assumer la responsabilité. Nous ne pouvons pas les couvrir. Or lorsqu'on lit certains textes, il y a des menaces.

Pour le moment, c'est limité aux infirmières, sage-femmes et dentistes. Vous souhaitez qu'on aille plus loin ?

C.D. : Non, il faut s'arrêter là. Cela doit rester la propriété du médecin. Car qui gère le dossier en a la responsabilité. C'est compliqué pour nous de garder le contrôle à partir du moment où le diagnostic et la prise en charge sont faits par d'autres. Le partage du travail doit être encouragé mais à condition que la place du médecin reste centrale en matière de diagnostic.

Gilbert Bejjani : Si on retire le diagnostic au médecin et qu'on délègue à tout le monde, il devient inutile de faire des études de médecine. Je reviens de l'INSEAD (Fontainebleau). Un des formateurs était effaré par l'abaissement des barrières d'exigence pour pratiquer les soins. Une fois qu'on délègue des actes d'anesthésie, d'accouchement, on risque d'appeler le médecin uniquement lorsque cela va très mal.

P.Z. : On a l'exemple des infirmières accoucheuses où le médecin est vraiment appelé au dernier moment. C'est une catastrophe. La mortalité infantile augmente.

J.d.T. : Pour prescrire, il suffit de prendre un stylo et un bout de papier. Mais prescrire, ce n'est pas cela. Expliquer les effets du médicament, le pharmacien peut le faire. Mais anticiper les contre-indications, les interactions, c'est un métier... On peut traiter l'hypertension de cinq manières différentes. Le choix se fait sur base de mesures. C'est la partie constitutive de la médecine. Maintenant, je n'ai pas du tout l'impression que les MG ont perdu du terrain. C'est ce qui nous oppose dans les élections avec nos concurrents. Nous voulons des MG dont le métier inclut une notion de service à un malade. En échange de cela, on a un honoraire. On offre une compétence. Quand le généraliste devient un animateur d'une équipe de scout avec un kiné, une infirmière, une psychologue, il ne voit plus le malade. Il organise son service avec des coûts de production en fonction du subside qu'il reçoit : davantage de génériques, moins d'IRM, on le met en conflit avec ce qu'il est. Quand tu vois le forfait : le contenu est défini par un budget national. Il est interdit d'en sortir. On va de plus en plus vers la situation des HMO aux Etats-Unis où la " mutuelle " décide de tout. Si l'on casse le lien d'une demande qui rencontre une offre. On casse la relation patient-médecin. En Hollande ou en Allemagne, le médecin est imposé. Les patients ne savent même pas qui c'est. C'est regrettable.

C'est comme un coiffeur sans rendez-vous ?

J.d.T. : Oui. Le risque est que chacun fasse un petit bout de la médecine. Le kiné va prescrire de l'imagerie médicale. Je suis spécialiste de la luxation de l'épaule, va-t-il dire. Or nous "médecins" revendiquons la prise en charge globale et cette prise de responsabilité devant l'Inami et les tribunaux.

C.D. : Et nous revendiquons une médecine engagée, la passion, la vocation de médecins qui veulent une prise en charge globale notamment les MG qui soignent tout type de patientèle.

J.d.T. : Et il y a de plus en plus de malades chroniques. Car si on opère d'un infarctus, il y a derrière un problème d'insuffisance cardiaque. Le patient cancéreux peut toujours retomber... Seul le MG peut gérer cela !

Passons à la garde MG, on a l'impression qu'après avoir été mise en place sur le terrain par les cercles, la chose commence à leur échapper...

P.Z. : Mais on n'est pas heureux de cela. La garde doit être organisée par les cercles. Elle doit être une émanation de la base. Et pas imposée par des théoriciens d'écoles de santé publique. Créer des PMG, agrandir les zones, sécuriser tant en ville qu'en milieu rural, c'est très bien. Mais si les médecins ne veulent pas créer un poste de garde, qu'on leur laisse cette liberté ! En Flandre, tout le territoire n'est quand même pas couvert. Le gouvernement en veut partout ! Maintenant, que ce soit adossé à l'hôpital, si les cercles sont d'accord, OK.

J.d.T. : C'est une idée de Domus Medica de couvrir tout le territoire. En Flandre, les PMG couvrent la moitié, en Wallonie, quasi la totalité sauf à l'Ouest de Liège (Condroz). Nos membres flamands et de nombreux MG du FAGW en ont marre. Certains n'en veulent pas. Un PMG n'est indispensable que si le cercle le décide ! Mais c'est aussi une question d'argent ! Cela coûte cher. Depuis qu'à Borgerhout, ils n'ont plus que deux chauffeurs, cela devient moins attrayant... C'est la différence entre les syndicats structuralistes qui pensent que si la structure est bonne, la qualité de la médecine suivra et nous qui sommes libéraux qui disent : si les médecins sont bons, alors il y a des chances que ça marche.

Retrouvez les autres thématiques de campagne de l'Absym et les vidéos de leurs principaux ténors sur son site internet (https://www.absym-bvas.be/elections-medicales-2018).

JdM : Tout le monde dit : " il faut dépoussiérer la nomenclature ". Mais on le fait en réalité tout le temps, que ce soit en MG, en chirurgie, en imagerie médicale, en médecine d'urgence.Jacques de Toeuf : Tout à fait. Les gens qui disent cela, le disent depuis 15 ans. Ça a commencé avec Rudy Demotte (ndlr : ministre PS des Affaires sociales et de la Santé publique entre 2003 et 2007). Puis cela a été réactivé par Laurette Onkelinx (ndlr : ministre PS des Affaires sociales et de la Santé publique avant Maggie De Block). Cela sert de propagande à tous ceux qui veulent tout mettre par terre et ne veulent plus de nomenclature. Il y a 15 ans, on a commencé à intégrer pas à pas les nouvelles techniques, à calculer le temps que cela prend puis à fixer un prix. Cela s'est affiné au cours du temps. Les études d'impact deviennent de plus en plus solides. Tout d'abord parce que ce n'est plus le groupe qui introduit la demande qui fait tout le boulot. Les services de l'Inami sont impliqués. L'actuariat, devenu extrêmement performant, vérifie leurs propres chiffres de consommation. Leurs prévisions cloppent au demi pourcent près. On ne fait plus du coup pour coup, on prend des ensembles. On a ainsi refait toute la nomenclature de gastro, d'orthopédie, de médecine interne. Ce fut gigantesque. On a mis deux ans et obtenu l'accord de tous. Les prix sont logiques les uns par rapport aux autres. Ils tiennent compte de l'existence de l'acte réalisé dans sa complexité et qui inclut le niveau exigé du prestataire, la durée du post-diplôme (de chirurgie par exemple). On tient compte enfin de la rentabilité. C'est cohérent. On a enfin rééquilibré. L'Absym a obtenu de repartager 250 millions sur 2,8 milliards de prestations techniques sur les prestations intellectuelles (psychiatres, pédo-psychiatries, physiothérapeutes...). Un gros paquet. C'est lent. Les Français ont essayé de modifier l'ensemble de leur nomenclature. Ils ont mis 6 ans et n'ont pu le faire que pour les prestations de médecine interne. En chirurgie, cela n'a pas marché.Caroline Depuydt : L'important, c'est que cela se réalise au conseil technique médical (CTM) où médecins (syndicats), mutuelles et universités notamment sont représentés. Les demandes d'adaptation peuvent venir de tous les groupes. Je suis dans le groupe de médecine interne du CTM. J'ai des demandes extrêmement pratiques venant des prestataires eux-mêmes. On peut en discuter et avancer dans un processus de révision. Cela colle aux besoins.Pour l'Absym, le médecin généraliste est l'expert des soins chroniques... On le dit au centre depuis des années mais on a l'impression qu'il perd du terrain d'année en année...Pierre Zaeytydt : On veut rester le case manager du patient. Car avec l'AR 78, nous voyons arriver des demandes des paramédicaux de poser des diagnostics, mettre des traitements en place. Le MG doit rester au centre et non pas se situer sur une simple pétale d'une pâquerette dont le centre du pistil est occupé par le patient. Nous voulons au contraire être le co-gestionnaire avec le patient de sa santé. Nous sommes tout à fait d'accord d'entrer dans la multidisciplinarité mais nous voulons conserver la responsabilité. Si des paramédicaux veulent faire des actes de prescription, ils doivent en assumer la responsabilité. Nous ne pouvons pas les couvrir. Or lorsqu'on lit certains textes, il y a des menaces.Pour le moment, c'est limité aux infirmières, sage-femmes et dentistes. Vous souhaitez qu'on aille plus loin ?C.D. : Non, il faut s'arrêter là. Cela doit rester la propriété du médecin. Car qui gère le dossier en a la responsabilité. C'est compliqué pour nous de garder le contrôle à partir du moment où le diagnostic et la prise en charge sont faits par d'autres. Le partage du travail doit être encouragé mais à condition que la place du médecin reste centrale en matière de diagnostic.Gilbert Bejjani : Si on retire le diagnostic au médecin et qu'on délègue à tout le monde, il devient inutile de faire des études de médecine. Je reviens de l'INSEAD (Fontainebleau). Un des formateurs était effaré par l'abaissement des barrières d'exigence pour pratiquer les soins. Une fois qu'on délègue des actes d'anesthésie, d'accouchement, on risque d'appeler le médecin uniquement lorsque cela va très mal.P.Z. : On a l'exemple des infirmières accoucheuses où le médecin est vraiment appelé au dernier moment. C'est une catastrophe. La mortalité infantile augmente.J.d.T. : Pour prescrire, il suffit de prendre un stylo et un bout de papier. Mais prescrire, ce n'est pas cela. Expliquer les effets du médicament, le pharmacien peut le faire. Mais anticiper les contre-indications, les interactions, c'est un métier... On peut traiter l'hypertension de cinq manières différentes. Le choix se fait sur base de mesures. C'est la partie constitutive de la médecine. Maintenant, je n'ai pas du tout l'impression que les MG ont perdu du terrain. C'est ce qui nous oppose dans les élections avec nos concurrents. Nous voulons des MG dont le métier inclut une notion de service à un malade. En échange de cela, on a un honoraire. On offre une compétence. Quand le généraliste devient un animateur d'une équipe de scout avec un kiné, une infirmière, une psychologue, il ne voit plus le malade. Il organise son service avec des coûts de production en fonction du subside qu'il reçoit : davantage de génériques, moins d'IRM, on le met en conflit avec ce qu'il est. Quand tu vois le forfait : le contenu est défini par un budget national. Il est interdit d'en sortir. On va de plus en plus vers la situation des HMO aux Etats-Unis où la " mutuelle " décide de tout. Si l'on casse le lien d'une demande qui rencontre une offre. On casse la relation patient-médecin. En Hollande ou en Allemagne, le médecin est imposé. Les patients ne savent même pas qui c'est. C'est regrettable.C'est comme un coiffeur sans rendez-vous ?J.d.T. : Oui. Le risque est que chacun fasse un petit bout de la médecine. Le kiné va prescrire de l'imagerie médicale. Je suis spécialiste de la luxation de l'épaule, va-t-il dire. Or nous "médecins" revendiquons la prise en charge globale et cette prise de responsabilité devant l'Inami et les tribunaux.C.D. : Et nous revendiquons une médecine engagée, la passion, la vocation de médecins qui veulent une prise en charge globale notamment les MG qui soignent tout type de patientèle.J.d.T. : Et il y a de plus en plus de malades chroniques. Car si on opère d'un infarctus, il y a derrière un problème d'insuffisance cardiaque. Le patient cancéreux peut toujours retomber... Seul le MG peut gérer cela !Passons à la garde MG, on a l'impression qu'après avoir été mise en place sur le terrain par les cercles, la chose commence à leur échapper...P.Z. : Mais on n'est pas heureux de cela. La garde doit être organisée par les cercles. Elle doit être une émanation de la base. Et pas imposée par des théoriciens d'écoles de santé publique. Créer des PMG, agrandir les zones, sécuriser tant en ville qu'en milieu rural, c'est très bien. Mais si les médecins ne veulent pas créer un poste de garde, qu'on leur laisse cette liberté ! En Flandre, tout le territoire n'est quand même pas couvert. Le gouvernement en veut partout ! Maintenant, que ce soit adossé à l'hôpital, si les cercles sont d'accord, OK.J.d.T. : C'est une idée de Domus Medica de couvrir tout le territoire. En Flandre, les PMG couvrent la moitié, en Wallonie, quasi la totalité sauf à l'Ouest de Liège (Condroz). Nos membres flamands et de nombreux MG du FAGW en ont marre. Certains n'en veulent pas. Un PMG n'est indispensable que si le cercle le décide ! Mais c'est aussi une question d'argent ! Cela coûte cher. Depuis qu'à Borgerhout, ils n'ont plus que deux chauffeurs, cela devient moins attrayant... C'est la différence entre les syndicats structuralistes qui pensent que si la structure est bonne, la qualité de la médecine suivra et nous qui sommes libéraux qui disent : si les médecins sont bons, alors il y a des chances que ça marche.