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" C'était impossible de ne pas le faire ", débute le Dr Alain-François Bleeckx, trésorier de la coopérative, dans son intervention samedi dernier, à l'Aula Maior de l'université de Namur. "Au-delà du développement d'un logiciel médical, nous représentons une profession qui veut prendre en main son destin informatique. "" Plein de médecins se sont indignés de cette situation récente de monopole, de revente, de perte de l'outil informatique. Et puis, il y a eu cette formidable réaction. Il y a eu une espèce de fronde, partout dans le pays. Des dizaines de médecins généralistes se sont organisés. Et le 21 mars naissait Medispring, le printemps généraliste. Une autre façon d'imaginer la gestion de notre outil informatique. ""On sent, à l'heure actuelle, qu'il y a un besoin de travailler de façon éthique, collaborative et ouverte, coopérative, démocratique et dynamique ", note encore le trésorier. "Nous avons décidé de fonctionner selon un modèle coopératif car c'est comme cela que notre corporation fonctionne. Nous voulons évoluer dans un modèle démocratique, où le poids de la décision ne repose pas sur l'argent mais sur l'utilisateur. Nous ne voulons plus jamais être revendus. Nous voulons une pérennité absolue. ""Nous voulons être pluridisciplinaires pour les médecins et les paramédicaux de la première ligne ", continue Alain-François Bleeckx. " Nous voulons une standardisation dans l'utilisation de notre dossier médical. Nous voulons permettre, grâce à cette standardisation, la collaboration avec les sociétés scientifiques, les universités et la Société scientifique de médecine générale (SSMG). Enfin, très touchy actuellement, la protection des données. Elles appartiennent aux patients, nous n'en sommes que les dépositaires. Elles ne seront utilisées qu'à des fins de recherche, de façon totalement anonymisées et cryptées. "Des dizaines de médecins se sont déjà engagés financièrement et se sont engagés dans des cellules de travail. Mais, évidemment, les médecins seuls ne peuvent tout faire. Ils collaborent par exemple avec Spring IT comme partenaire informatique. "Nous ne sommes que des docteurs. Au niveau juridique, financier également, nous étions un peu des béotiens. Grâce au modèle coopératif que nous avons choisi, nous avons eu la chance d'être accompagnés par une agence agrée d'accompagnement des jeunes coopératives, Propage. "" Il s'agit de la naissance de notre nouveau logiciel médical PAR des médecins POUR des médecins ", explique le Dr Tanguy de Thier, vice-président de la coopérative. " L'engouement pour notre coopérative est total et nous avons déjà reçu le soutien de plusieurs associations de la première ligne. "Dans la salle, la Fédération des associations de généralistes de la Région wallonne (FAGW) est représentée, toutes les universités francophones également, et la SSMG a même tenu le crachoir par l'entremise de son président, le Dr Thomas Orban." La problématique n'est pas nouvelle pour la SSMG. Il y a déjà plus de dix ans que nous nous intéressons à l'informatique, par le biais de l'Institut de télématique et d'informatique médicale de la SSMG (Itim) ", note Thomas Orban. " C'était le début des applications. On ne comprenait pas tous les enjeux. Puis on a vu arrivé un ovni : le Dr Silviu Braga. On ne comprenait pas alors, mais il avait déjà les idées d'aujourd'hui. Il y a plusieurs mois, avant même la naissance du présent projet, le Comité directeur avait confié au Dr Braga la réflexion autour d'un nouveau logiciel. "C'est un euphémisme pour le président de la SSMG : le fonctionnement de l'informatique médicale n'est pas optimal. La SSMG est à la manoeuvre d'e-Crash, par exemple, mais était-ce son rôle de prendre en charge la création d'un logiciel médical ? " Non ", estime Thomas Orban. " Notre rôle est un rôle de soutien. "Le risque de monopole représenté par Corilus inquiétait les médecins depuis longue date. " L'aspect institutionnel pose également question ", note le Dr Orban. " On se pose toujours des questions sur la position de monsieur Robben. Il est patron de eHealth, je pense qu'il est aussi patron de la Smals qui détient toute une partie de l'informatique médicale. Tout cela pose question. Ce ne sont pas des accusations. Mais nous n'avons pas toujours de réponses. ""Le 22 mars, nous avons donc adressé un courrier aux autorités pour parler de ces questions, de l'informatique médicale. En mai, nous leur avons adressé un second courrier. Pourquoi ? Parce qu'on n'avait toujours pas reçu de réponse. À l'heure actuelle, la seule réponse formelle que reçue est celle du cabinet Greoli que je vais rencontrer bientôt. J'ai bon espoir d'avoir une réponse du cabinet De Block. Je leur ai indiqué que sans réponse, nous agirons. Ce courrier parlait de l'interopérabilité des logiciels pour ne plus être prisonnier d'un logiciel commercial. Il parlait du modèle de travail standardisé que nous privilégions, du meilleur choix technologique, du bénéfice qu'en tirerait le patient. M. De Croo veut faire de la Belgique la Digital Medical Health Valley, mais on en est loin. Pour y arriver, il faut une structure qui puisse fonctionner. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas. "Pour connaître la réponse à la question, il suffit de penser à l'artichaut, l'emblème de la coopérative. D'ailleurs, pourquoi un artichaut coloré en son centre ? " Parce que le DMI est au coeur de la pratique médicale ", relate le Dr Nicolas Raevens, l'un des 13 administrateurs de la coopérative. " Les pétales représentent les différentes facettes de la pratiques. Sans oublier que l'artichaut est au final un légume printanier : il se sème au printemps et se récolte au moins de novembre. "La première version du logiciel est donc prévue, vous l'aurez compris, pour novembre 2018. " Dès novembre 2018, nous pourrons débuter les migrations vers Medispring ", annonce le Dr Bleeckx.En 2019, le vocabulaire Snomed et des modules spécifiques pour spécialistes et paramédicaux seront implémentés dans le logiciel. De quoi finaliser déjà une deuxième version du logiciel. En 2020, le logiciel sera totalement finalisé. Des applications et des modules externes seront développés." Une révision de l'architecture et du modèle technologique des logiciels médicaux me semblait indispensable, pour une question d'interopérabilité et de multidisciplinarité ", commente le Dr Orban. " Medispring a démarré cette révolution. Cette collaboration entre différents logiciels qui utiliseront le même système est réellement une cassure. C'est pour cette raison que la SSMG soutient ce projet. "" Nous recommandons prudence et vigilance par rapport à ce projet tant il est porteur d'une révolution ", prévient le président de la SSMG . " Ce n'est pas seulement une solution technique. C'est une révolution pour l'ensemble de la profession. Cela nécessitera un nouveau modèle dans lequel la réflexion éthique, la gouvernance doivent être réfléchies. "D'aucuns sont plus sévères encore, songeant à Medispring comme un printemps aussi beau qu'éphémère. Il ne tient finalement qu'aux médecins, en particulier aux généralistes, d'adhérer ou non à ce projet qui entend concurrencer un géant " monopolitaire " pour permettre aux médecins de conserver leur destin informatique entre leurs mains.C'est finalement ça, l'avantage du modèle coopératif : tout un chacun peut investir dans le projet. " Nous avons déjà rassemblé 92 coopérateurs qui ont chacun versé 2.000 euros pour s'impliquer dans le projet ", se félicite le Dr de Thier. Il est possible d'acheter des parts investisseurs et utilisateurs depuis samedi dernier. " Il est important à nos yeux que tout utilisateur puisse s'exprimer lors de l'assemblée générale ", conclut le généraliste cinacien.Laurent Zanella