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Un traitement médical peut-il amener un individu à commettre des assassinats d'une extrême violence qu'il n'aurait pas commis dans d'autres circonstances ? Cette question épineuse s'est posée au cours du procès de Renaud Hardy, qui a débuté le 19 février dernier à la cour d'assises du Limbourg, à Tongres.Décrit par les experts psychiatres comme un dangereux psychopathe sadique sexuel, considéré comme un tueur en série et actuellement détenu à la prison d'Hasselt, ce quinquagénaire malinois est poursuivi pour l'assassinat de deux femmes, Maria Walschaerts en mai 2014 et son ex-compagne Linda Doms en septembre 2015, mais aussi pour deux tentatives d'assassinat et des viols et tortures. Les faits qu'il a commis, parfois filmés par lui-même et qu'il a fini par avouer, sont tous plus sordides les uns que les autres.Le cas de Renaud Hardy est d'autant plus interpellant que l'intéressé est atteint de la maladie de Parkinson, le diagnostic ayant été posé en 2006, et surtout parce que la défense considère que le traitement qu'il a entamé en 2010 expliquerait qu'il soit devenu un meurtrier et les faits qu'il a perpétrés.Elle s'appuie sur le témoignage du neurologue Chris Van der Linden de l'AZ Saint-Lucas à Gand, connu pour sa participation au programme télévisé Topdokters. " Je me dois de confirmer que Monsieur Hardy était un autre homme avant 2010 et qu'il est devenu un tueur en série après avoir pris des médicaments contre la maladie de Parkinson ", a déclaré devant les assises le Dr Van der Linden, selon qui le traitement n'aurait pas été correctement ajusté. " Ce n'est pas la maladie en elle-même qui est problématique mais le trouble du contrôle des impulsions provoqué par le traitement. " Le neurologue a toutefois admis que Renaud Hardy serait le seul cas connu en Belgique, concerné par la forme la plus extrême de ce trouble que sont susceptibles de développer certains patients parkinsoniens.Le moins que l'on puisse dire est que cette ligne de défense adoptée par l'avocat de Renaud Hardy est fortement rejetée dans le milieu médical. " On ne peut pas invoquer le médicament comme une justification scientifique sérieuse pour les meurtres et les viols ", a déclaré le médecin du tribunal, Wouter Van Den Bogaert. " Dans le monde il y a 31 cas connus de patients parkinsoniens ayant perdu le contrôle de leurs impulsions et manifesté un comportement anormal à la suite de leur traitement, mais il n'y a jamais eu de tueur en série parmi eux. "" Nous savons qu'environ 15 % de ces patients ont des problèmes avec le prétendu trouble du contrôle de leurs impulsions ", a confirmé Wim Vandenberghe, spécialiste de la maladie de Parkinson et professeur de neurologie à la KUL, interrogé par le quotidien De Morgen. " Cela se manifeste par quatre types de comportement : une addiction au jeu, une addiction aux achats, une frénésie alimentaire, et une libido accrue allant jusqu'à l'hypersexualité. Mais il n'y a aucun cas connu d'agression et de tendance à l'assassinat. Hardy serait le premier. "Interrogés eux aussi par De Morgen, d'autres professeurs de neurologie, Sebastiaan Engelborghs et Patrick Cras, de l'Université d'Anvers, et Patrick Santens de l'Université de Gand, n'ont pas caché une certaine indignation et ils déplorent les propos de leur collègue qu'ils trouvent stigmatisants envers les patients parkinsoniens. " En établissant un lien entre médication et assassinat, Chris Van der Linden est allé trop loin et, en tant que neurologues, cela nous dérange ", a déclaré Patrick Cas. " Il y a des millions de Parkinsoniens dans le monde, dont plus de 30.000 dans notre pays, qui sont sous traitement et qui ne sont pas dangereux ", a indiqué Patrick Santens. " Et si un lien avec la tendance au meurtre existait, nous l'aurions certainement déjà remarqué. On ne trouve d'ailleurs rien de tel dans la littérature scientifique. "" Il est vrai qu'une minorité de patients a plus difficile à contrôler ses impulsions mais cela ne mène pas au meurtre et il ne faut pas ignorer des éléments tels que la personnalité, la conscience, la vie affective et les traumatismes subi durant la jeunesse, qui peuvent tous jouer un rôle dans le processus amenant à tuer quelqu'un ", a renchéri Sebastiaan Engelborghs.Les experts psychiatres qui ont examiné la personnalité de Renaud Hardy ont précisément constaté qu'il avait développé dès sa jeunesse une haine extrême contre les femmes et un trouble de la personnalité avec des tendances narcissiques et antisociales. Ils ont aussi remarqué son obsession pour certains passe-temps comme les drones et les voitures téléguidées ainsi qu'un trouble paraphile, notamment du sadisme, du voyeurisme et le goût des relations sexuelles avec étranglement. Et selon eux, ces caractéristiques sont devenues plus nettes à cause de sa maladie, mais aussi et surtout à cause de l'alcool et de la cocaïne." Il est à classer parmi les personnes les plus dangereuses de notre société ", a affirmé le psychiatre judiciaire Dirk Steemans. " S'il n'avait pas été arrêté, il aurait fait encore plus de victimes. "Au vu de toutes ces réactions, on voit mal comment il aurait été possible d'attribuer les homicides à la médicalisation de l'accusé. La thèse de l'irresponsabilité pénale liée au trouble du contrôle des impulsions n'a d'ailleurs pas été prise en considération par les jurés qui n'ont finalement retenu aucune circonstance atténuante dans le chef de Hardy et l'ont condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.