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Longtemps, une catégorie de personnes déficientes intellectuelles est restée sur le carreau : celle présentant une double problématique alliant handicap intellectuel et trouble psychique. Depuis une vingtaine d'années, les choses évoluent doucement et on commence à leur porter une certaine attention. Pour le Centre Titeca (1), l'histoire a commencé en 2013, lorsqu'il s'est doté d'une cellule mobile d'intervention (CMI), appelée Maya et dédiée au " double diagnostic " (DD). Aujourd'hui, il se lance un nouveau défi en partant des recommandations du Conseil supérieur de la santé (CSS) sur les besoins en matière de double diagnostic en Belgique (2) et de l'expertise de ses équipes : depuis octobre dernier, il a ouvert la première unité hospitalière de soins psychiatriques comportant des lits " double diagnostic " dans la capitale. C'est aussi le fruit d'une concertation entre les pouvoirs politiques fédéraux, communautaires et régionaux pour financer les différents aspects de ce projet.Cette nouvelle offre porte sur sept lits intégrés dans l'unité Les Bambous qui en compte 22. Elle accueille des patients de plus de 18 ans qui ont une déficience mentale légère à modérée et une problématique psychique compatible avec une unité ouverte (vers le jardin, pas vers la rue), pour une durée de trois mois (renouvelable). Ce trajet de soins s'inscrit dans le réseau de soins en santé mentale et dans le réseau du handicap grâce, notamment, à la CMI Maya." Le projet " double diagnostic " 'Les Bambous' accompagne à différents moments de leur parcours de soins, des adolescents et des adultes, le plus souvent mais pas uniquement, sous statut médico-légal. Ces personnes présentent pour la plupart des problématiques psychiatriques multidimensionnelles et complexes, associant souffrance psychique et difficultés comportementales et sociales. Notre hôpital assure donc une réelle mission d'utilité publique ", se réjouit le Dr Pierre Titeca, président du CA du Centre hospitalier J.Titeca (CHJT)." Le handicap intellectuel touche entre 2 à 3% de la population belge, soit environ 300.000 personnes ", précise-t-il. " Environ un tiers d'entre elles souffrent d'une maladie mentale surajoutée qui va décompenser dans un tiers des cas au moins une fois au cours de leur vie. Cette altération clinique significative peut être éventuellement accompagnée de difficultés comportementales impactant encore un peu plus la vie de ces patients, de leurs familles, des professionnels du secteur du handicap et de la santé et, au-delà, de notre société ".Pour l'équipe de Titeca, les collaborations intra et extra-muros contribuent à la recherche et à la coconstruction permanente d'alternatives aux soins hospitaliers en veillant à la continuité des soins. " Il est primordial de soutenir les partenaires de ce réseau en développement en rendant structurel les différents budgets régionaux et communautaires, dont celui de notre équipe mobile Maya ", insiste le Dr Titeca.Pour le Dr Evelyne Peeters, psychiatre au CHJT, la création de cette unité s'est apparentée à la quête du Graal, alors qu'il s'agissait d'une véritable nécessité à Bruxelles où les patients devaient faire de nombreux kilomètres pour rejoindre une des cinq unités existant déjà dans le pays (Manage, Welkenraedt, Bierbeek, Anvers et Gand) : " Quand ces personnes présentent un épisode de décompensation, il leur faut une prise en charge adaptée, ambulatoire avec un relais hospitalier. Ces structures hospitalières doivent se trouver à proximité de leur lieu de vie pour que leur réseau, dont la CMI, puisse continuer de fonctionner, ce qui est impossible si le patient est hospitalisé à distance de son domicile ".Par ailleurs, le besoin se fait de plus en plus criant à mesure que la population vieillit : " 62% des personnes déficientes mentales âgées présentent des troubles psychiques. Avec le temps, ces troubles sévères vont devenir beaucoup plus importants parce que la médecine progresse, parce que des grossesses difficiles sont menées à terme, parce que ces patients ont une prise en charge somatique plus conséquente et vivent plus vieux... ", commente-t-elle.Or, les personnes double diagnostic ont vraiment besoin d'une prise en charge spécifique, notamment médicamenteuse : " La médication est pointue parce que ces patients ont des anomalies du système nerveux, qui sont responsables de réactions dites paradoxales ", explique-t-elle en donnant l'exemple du système inhibiteur Gaba qui peut être excitateur chez un patient dont le développement neurologique est immature. " En ambulatoire, la médication est susceptible de provoquer des troubles difficilement gérables... Il faut donc être très vigilant par rapport aux molécules que l'on donne et par rapport aux dosages : certains patients doivent prendre des doses quasiment homéopathiques alors que d'autres prennent des doses qui nous semblent pratiquement létales... "Si ces sept premières places constituent sans aucun doute un signe d'espoir pour les patients et leurs familles, les professionnels estiment qu'il en faudrait une vingtaine pour pouvoir répondre aux demandes et aux besoins de la région bruxelloise.