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Un record battu depuis ces dix dernières années avec une augmentation de 8% de 2016 à 2017. Cette étude a été relayée par la Mutualité Chrétienne qui estime que l'interdiction de vente de tous les spiritueux devrait être maintenue à 18 ans. L'intoxication alcoolique chez les jeunes est loin d'être anodine, s'inquiète Jean Hermesse. " L'abus d'alcool peut gravement nuire à la santé des jeunes à plus long terme. " Un point de vue partagé par Catherine Fonck, (cdH) qui estime qu'il faudrait mieux faire respecter l'interdiction de vente d'alcool aux mineurs et supprimer les spiritueux dans les distributeurs automatiques.Le Dr Thomas Orban, médecin généraliste alcoologue nous fait part de son opinion : "Je partage le point de vue de la Mutualité chrétienne sur le fait que l'avis de Maggie De Block qui fait une différence entre les âges pour les spiritueux n'a pas de sens. La plupart des pays en Europe ont une législation claire et notre ministre de la santé persiste dans son incurie par rapport au problème de l'alcool dans notre pays. Nous n'avons pas véritablement de plan alcool. Maggie De Block ne prend pas les mesures qui s'imposent pour une population comme celle des jeunes. " Et d'ajouter : " le message serait plus clair si on interdisait l'alcool avant 18 ans. Parce que dans un premier temps, tous les jeunes ne savent pas ce qu'est vraiment un spiritueux, et aussi parce que les contrôles ne sont pas très relevant. " " Ça peut commencer très tôt, dès l'âge de 14-15 ans, autant pour les filles que pour les garçons d'ailleurs. Ils rentrent dans des magasins et achètent de la bière, du vin. On voit des jeunes filles qui n'ont pas 18 ans et qui ont déjà des bouteilles de rosé à la main ! ", raconte l'alcoologue. " L'important c'est d'avoir un discours cohérent dans un pays. À partir du moment où l'on différencie, le risque n'est plus clair. Faire une distinction entre l'alcool dit fort ou faible est faux, c'est entretenir un mythe dans la population, ce qui n'est pas le rôle d'une ministre de la santé publique. Au contraire son rôle serait de changer les choses, d'apporter une nouvelle règle, même si on sait que certains vont la contourner. " D'autre part, d'autres mesures pourraient être prises en considérations, comme augmenter les prix des spiritueux. " À ce niveau-là, il existe des modèles qui prouvent son efficacité. Les Écossais s'y sont mis par exemple. Le prix de l'alcool devrait être augmenté ou avoir un prix minimum à l'unité, ce qui ferait qu'une bouteille de Whisky ou de vodka, qui contient 22 unités au lieu de sept pour une bouteille de vin coûterait beaucoup plus cher ". D'autres mesures pourraient être envisagées au niveau de l'influence des médias et de la publicité mais aussi de la sensibilisation. " Même si cela s'avère utile, le budget de la sensibilisation par rapport au budget marketing des firmes reste minime. Mais une mesure ne suffit pas. Il faut des conjonctions de mesures et un plan alcool. "Une des causes de cette hausse d'intoxication alcoolique peut être le binge drinking. Selon le conseil supérieur de la santé, on parle de binge drinking quand au moins quatre verres d'alcool fort ont été absorbés en deux heures chez les filles et six verres chez les garçons. Un phénomène qui existe depuis longtemps certes mais qui a la cote, et qui nous vient droit des États-Unis où l'alcool est interdit au moins de 21 ans. " Pour moi, il ne s'agit pas d'une tendance, mais bien d'un mode de fonctionnement où l'on recherche de "se mettre sur sa tête", "être pêté". Le binge drinking et l'alcoolo dépendance sont deux visages de la même maladie où l'on retrouve des caractéristiques communes dont la perte de contrôle. Certains jeunes font des bitures expresses tous les vendredis soirs et à 4h du matin, ils sont déjà en train de penser où ils iront le lendemain soir pour recommencer. On est là dans un comportement d'alcoolisation très aigu et de plus de 24h. Le temps que l'alcool diminue dans le cerveau, il est déjà en train de remonter car ils seront déjà en train de boire. L'alcoolisation rapide a un effet sur les capacités neurocognitives qui persiste même des mois après l'arrêt." L'alcoologue a posté récemment un tweet basé sur une étude réalisée par un interniste de Lausanne. Celui-ci a repris les dossiers, après sept ans, de jeunes entre 12 et 17 ans ayant subi une intoxication alcoolique, et il a regardé leur devenir : un jeune qui passe aux urgences pour problèmes d'alcool est plus à risque de troubles d'usage de substances, troubles d'usages d'alcool, problèmes socio-professionnel ou encore trouble de santé mentale. Mais le docteur plaide pour aller plus loin. " Dans tous les services d'urgences, il devrait y avoir un référent alcool. Aujourd'hui quand il y a un patient qui a un problème d'alcool, il est pris en charge comme un poivrot, un paumé, alors que ces personnes sont en haut risque de pathologie et vont coûter très cher pour notre société. "Le Dr Orban conclut en disant que sur le fond on ne doit pas s'étonner de voir nos jeunes arriver aux urgences pour ce genre de problèmes quand on voit avec quelles facilités on peut acheter de l'alcool dans notre pays. " Pour moi il y a un désaccord de fond avec la ministre. Elle met l'accent sur la responsabilité personnelle où l'on doit apprendre à gérer et laisser le marché exister et où c'est à chacun de se prendre en main. Alors qu'en fait, c'est un problème où la société a intérêt à protéger ceux qui sont atteint de cette difficulté. Dire 'vous devez prendre sur vous', est scandaleusement lâche. C'est ignorer qu'il s'agit d'un problème qui dépasse juste la volonté. C'est scientifiquement et politiquement faux."Carole Stavart