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Les signes de certains cancers, le risque de coma diabétique, la survenue d'une crise d'épilepsie les premiers stades de la maladie de Parkinson... et maintenant le paludisme ?De plus en plus présents en médecine préventive, les chiens ont une fois de plus démontré la finesse de leur flair. Ils ont dans le nez une multitude de capteurs qui les rendent très sensibles aux odeurs. D'où leur capacité à détecter certains composés organiques volatils émis dans l'haleine de patients atteints de plusieurs types de cancers, ou la sueur de personnes diabétiques. Or, ces dernières années, plusieurs études ont mis en évidence le fait que les parasites responsables du paludisme chez l'humain provoquent, chez un certain nombre de porteurs, une modification dans la composition de la sueur. Et donc, des scientifiques se sont dit que les chiens spécialement entraînés pourraient également identifier des porteurs de la maladie.C'est ainsi que lors de la conférence annuelle de la Société américaine de médecine tropicale qui s'est tenue à la Nouvelle-Orléans, des chercheurs britanniques et gambiens ont présenté les résultats d'une expérience, certes préliminaires mais suffisamment étonnants pour être signalés.Les auteurs de l'étude ont d'abord récolté, dans une école de la région du Haut Fleuve de Gambie, en Afrique de l'Ouest, 175 paires de chaussettes portées durant 24 heures d'affilée par des enfants âgés de 5 à 14 ans. Parmi eux, selon les analyses sanguines, 30 étaient infectés par le paludisme sans avoir contracté de fièvre et 145 ne l'étaient pas.Ces chaussettes, qui avaient capté l'odeur des enfants, ont ensuite été congelées pour être conservées le plus longtemps possible et expédiées par avion au Royaume-Uni, plus précisément dans le centre de l'ONG Medical Detection Dogs, à Milton Keynes, où deux chiens spécialement dressés, Lexi, un golden retriever, et Sally, un labrador, ont été mis au banc d'essai.Les deux chiens ont respectivement été capables d'identifier 20 et 21 des 30 paires de chaussettes de patients atteints du paludisme, soit un taux de succès d'environ 70%, et donc un taux de " faux négatifs " de 3 sur 10. Les animaux ont également pu détecter correctement les tissus qui ne contenaient pas le parasite du paludisme avec 90% de précision, identifiant à tort 13 et 14 paires de chaussettes de patients sains comme appartenant à des malades, soit un taux de " faux positif " voisin de 1 sur 10.Certes, on ne dira pas que ce résultat est mirobolant. Steve Lindsay, le directeur de l'étude et professeur de biosciences à l'Université Durham, admet lui-même qu'il ne s'agit que d'une preuve de concept, que les chiens ne sont pas encore prêts à être utilisés de façon plus systématique dans la détection du paludisme et de ses différentes phases, et qu'ils doivent être mieux entraînés pour améliorer leur taux de réussite.Il ajoute qu'il faudrait tester la technique sur des échantillons provenant d'autres pays et mener d'autres études, en particulier dans les pays africains, pour voir si les canidés peuvent " directement " détecter le paludisme sur les personnes infectées plutôt que sur des vêtements.Ceci dit, la recherche n'en est encore qu'à ses balbutiements. Persuadé que la technique peut encore gagner en précision, Steve Lindsay n'a pas caché son enthousiasme. Lors du Congrès de la Nouvelle-Orléans, il a rappelé que l'objectif était de disposer un jour d'un test de détection rapide, peu cher, mobile et non invasif.Selon l'entomologiste britannique, l'application la plus intéressante de ce travail, consisterait à déployer des chiens renifleurs aux points d'entrée dans les pays, aux douanes, où des chiens sont déjà dressés pour détecter des fruits, des légumes ou des drogues, et dans les aéroports, pour arrêter la propagation du paludisme entre pays par des personnes infectées qui ne présentent peut-être pas encore de symptômes évidents." Cela pourrait aider à prévenir la diffusion du paludisme dans les pays déclarés exempts, et permettre à des gens, dont beaucoup ne savent pas qu'ils sont infectés par le parasite, de recevoir un médicament antipaludique ", a indiqué Steve Lindsay." Le challenge consiste à dépister rapidement la maladie chez un grand nombre d'individus et, ainsi, éviter qu'elle ne s'étende dans des zones qui ne sont pas touchées ", a renchéri le Dr Claire Guest, responsable de Medical Detection Dogs, convaincue, elle aussi, que l'exploit réalisé par Sally et Lexi ouvre de nouvelles perspectives.Il est vrai qu'un nouvel outil susceptible de contribuer aux efforts d'éradication du paludisme est plus que le bienvenu. Selon l'Organisation mondiale de la santé, en 2016, le nombre de cas dans le monde a augmenté de cinq millions pour atteindre 216 millions et la maladie a entraîné 445.000 décès, 90% des cas concernant l'Afrique." Il est inquiétant de constater que nos progrès dans la lutte contre le paludisme sont au point mort depuis quelques années ", s'alarme le Pr James Logan, co-auteur de l'essai.Lui aussi espère que les chiens super-renifleurs pourront être utilisés de façon beaucoup plus rapide que les tests habituels, et à un coût bien inférieur. C'est tout l'enjeu de ce type d'expérience...Luc RuidantEurekAlert, 29 octobre 2018