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Il est bien connu que l'obésité constitue un véritable fléau mondial, touchant toutes les classes de la société, entraînant une charge socio-économique sans précédent. En effet, l'obésité est la cause première du diabète type 2, et grande responsable de l'hypertension artérielle, de taux élevés de "mauvais" cholestérol dans le sang, de l'apnée du sommeil (toutes ces maladies sont qualifiées de "comorbidités")...En ce qui concerne la mortalité, il a été démontré qu'une obésité de stade 2 (2) va de pair avec une réduction de l'espérance de vie de 7 à 8 ans, et ce indépendamment du sexe, de l'activité physique, du tabagisme et de hiérarchie socio-économique (Nyberg et al. Lancet Public Health, 2018). Il est logique que les autorités, alarmées par l'énormité du problème, se concertent pour définir des mesures préventives efficaces au niveau de la population, comme l'idée de limiter l'accès aux boissons à haut contenu en sucre dans les écoles ou encore, d'encourager l'activité physique par prescription médicale.Ces efforts louables cependant ne constituent pas une solution pour des milliers de patients. Une fois l'obésité installée, la prévention arrive trop tardivement. Le fardeau de la surcharge pondérale est, souvent depuis des années et malgré grand nombre d'efforts, une réalité de tous les jours, un cauchemar jonché d'humiliations quotidiennes, de douleurs physiques et de discrimination au travail. La base de l'obésité est multifactorielle et complexe. Réduire le problème à un simple "trouble alimentaire" ou comportemental et donc gérable par une approche psycho-diététique est caricatural et naïf.Le traitement dit "conservateur", consistant d'efforts multidisciplinaires comprenant diététicien(ne), nutritionniste, psychologue, "coach personnel" est voué à l'échec, car la lutte contre l'obésité est une lutte contre un phénomène naturel, biologique. En effet, lorsque le patient avec forte surcharge pondérale diminue sa consommation de calories, il/elle verra son métabolisme, sa combustion de calories, allant en diminuant, et, de plus, ses hormones de l'appétit ("orexigènes"), s'adaptant de manière permanente, le tout causant presque invariablement une reprise de poids (phénomène - yoyo). (Heynsfield et al. New England Journal of Medecine, 2018).Donc, tant que la science n'aura pas trouvé de réponse pharmacologique à ces mécanismes auto-régulateurs favorisant l'accumulation adipeuse, ce sera la chirurgie qui demeurera la seule solution efficace pour interrompre ce cycle mortel à long terme.Bien que la chirurgie bariatrique soit qualifiée de "mutilante" par certains, et de "solution de dernier recours", la laparoscopie a rendu cette technique beaucoup plus conviviale et sécurisée dans des centres dévoués au patient souffrant d'obésité . Pour la plupart des techniques, la réversibilité, souvent mise en doute, est bien réelle, comme nous l'avons démontré il y a plusieurs années (Dapri et al. Obes Surg 2011). En fait, tout chirurgien se qualifiant de "bariatrique" se doit de maîtriser cette technique. Quant à la mortalité opératoire, elle se chiffre de nos jours à à peine plus de 0,1%, ce qui est du même ordre de grandeur que l'ablation de la vésicule, beaucoup moindre que la prothèse de hanche ou la chirurgie de l'intestin. Les risques de complications métaboliques, sont en réalité parfaitement évitables par un suivi régulier et par l'utilisation correcte de vitamines et de minéraux (Kushner, Journal of Parenteral and Enteral Nutrition, 2000). Lorsqu'on analyse la qualité de vie après la chirurgie bariatrique, l'on constate une nette amélioration en comparaison avec des sujets souffrant d'obésité restant non-opérés. (Schauer et al. , New England Journal of Medecine, 2017).En ce qui concerne l'effet soi-disant péjoratif sur la grossesse, la chirurgie de l'obésité, malgré, certes, certains risques de complications postopératoires, non seulement augmente indiscutablement la fertilité, elle a clairement des effets bénéfiques, tels la réduction du risque de devoir recourir à une section césarienne, et, pour la femme, le risque d'hypertension ou de diabète de grossesse. (Kwong et al. Am J Obstet Gynecol, 2018).En fait, les conséquences salutaires de la chirurgie bariatrique sont indiscutables, allant d'une amélioration des comorbidités décrites plus haut (surtout en ce qui concerne le diabète type 2), à une nette chute de la mortalité à long terme.Le déclin de mortalité est lié à une diminution de l'incidence et de la gravité des maladies cardiovasculaires, et d'un grand nombre de cancers. Une analyse du registre des cancers du Royaume Uni a démontré une réduction significative des cancers en général et du cancer du sein en particulier. (Wiggins et al. Obes Surg 2018).Dans une étude Américaine portant sur 18.355 patients, il apparaît que c'est la perte de poids, occasionnée par la chirurgie bariatrique qui est responsable de la réduction en mortalité par cancer. (Schauer P, Obesity (Silver Spring), 2017). Ce n'est que dans le domaine particulier et isolé du cancer colo-rectal que le bypass gastrique (et non les autres techniques bariatriques (Mackenzie et al. BJS, 2018)), pourrait avoir une influence péjorative à long terme, justifiant ainsi un suivi coloscopique complétant le follow-up -essentiel- du patient après bypass.En conclusion, l'évidence scientifique montre que seule la chirurgie, certes à condition de faire partie d'une approche multidisciplinaire concertée, peut offrir aux patients souffrant d'obésité chronique l'espoir de retrouver une vie normale, coupant court aux intimidations, aux humiliations, et leur rendant une espérance de vie comme pour tout le monde.1. Lire JdM N°2570.2: Obésité de stade 2: BMI ou indice de masse corporelle de plus de 35 kg/m2, c'est à dire un poids de plus de 95 kg chez un sujet de 165 cm.Dr Jacques Himpens, ancient président de l' International federation for surgery of obesity (IFSO)Dr Thierry Lafullarde, président de l'association professionnelle Belge de l'obésité et de la chirurgie métabolique (BeSOMS).