Une concertation (très) constructive et (plus que) raisonnable

Maggie De Block clame que les syndicats médicaux sont à la limite de la représentativité. Une déclaration d'une ministre, vraie ou fausse, vise toujours un objectif politique. Alors on peut se demander où la ministre veut en venir. Depuis 50 ans, le système d'assurance maladie fonctionne sur une concertation Médecins mutuelles. Depuis quelques années, crise aidant, cette procédure se réduit dans les faits à un partage entre experts représentant les médecins et les Mutuelles d'un budget fixé par la ministre et parfaitement contrôlé. Les syndicats médicaux, même si c'est parfois de mauvaise humeur et avec des éclats de voix, participent au système d'une manière constructive et y apportent une expertise pratique irremplaçable.

Il n'y a plus rien du syndicalisme de confrontation face aux réformes de Madame De Block : le réseautage des hôpitaux, bonne idée ; le tiers payant des généralistes, ça marche ; le paiement des prestations de faible variabilité, pourquoi pas. Même une réforme de l'Art de guérir dans laquelle la ministre dictera la déontologie et pourra réduire à 5 ans la durée de la licence d'exercice enlevant aux médecins toute velléité d'indépendance, ça va. Pas de problème non plus pour l'idée que le patient déciderait lui-même s'il doit confier ses soins à un médecin, un pharmacien ou à un paramédical, sur base de ses connaissances maintenant avérées en médecine grâce à internet, quitte à ce que le praticien consulté juge plus utile de l'envoyer à un autre et même éventuellement à un médecin. C'est l'avenir : On va substituer la formidable intelligence artificielle toujours au bout du fil au pauvre généraliste débordé. C'est moderne et met fin à cette conception centenaire alliant qualité des soins au diplôme justifiant le monopole médical. Quant à l'indexation, on est bien d'accord qu'insister serait indécent pour des médecins si riches. Et c'est peut-être pour cela que des médecins se détournent des syndicats et des élections qui leur paraissent ne servir à rien.

Un signe qui ne trompe pas, c'est que lorsqu'elle consulte sur une réforme, la ministre ignore totalement les poids respectifs de la représentativité : elle discute avec une délégation de représentants dont elle fixe elle-même le nombre identique pour chaque syndicat. Le modeste MoDes a le même nombre de représentants à la table de négociations que l'Absym, cependant associé au GBS. C'est normal pour la ministre puisqu'elle les consulte comme experts, pas comme des partenaires ou des parties intéressées. C'est dès lors un peu fort de café qu'elle critique une représentativité qu'elle a tout fait pour évaporer. Mais peut-être s'agit-il de l'aboutissement de la longue politique de récupération par le Pouvoir des droits reconnus au corps médical et qui a créé un système de santé belge de qualité.

Ce type de concertation, tout chef d'entreprise en rêverait et il se garderait bien de contester la représentativité de son syndicat-maison.

Contester la représentativité, une manoeuvre politique pour délégitimer des contre-pouvoirs

Il faut se rappeler que les gouvernements successifs s'efforcent d'arriver à ce résultat depuis des années. Ils ont voulu diviser le corps médical et pour cela mettre en selle des petits syndicats qui n'avaient pas assez de cotisants pour vivre. Un Arrêté royal a donc fixé le nombre minimum de membres pour une reconnaissance de représentativité permettant de se présenter à des élections à 1.500 environ 5% du corps médical. Avec l'accroissement de celui-ci, ce montant n'en a plus correspondu qu'à 3%. Puis pour leur permettre d'exister, le gouvernement a aussi décidé de les financer par un budget public distribué selon le nombre de voix obtenues. Moins il y a de votants, plus chaque voix apporte une part plus grande du gâteau. Le but était de détacher la prospérité financière de chaque syndicat du nombre de cotisants, et de créer une dépendance de la représentativité aux subsides de l'Etat.

Quel système à la place ? La tentation jupitérienne

Alors, une fois qu'on a dit cela, par quel système pourrait être tentée la ministre ?

Pourrait-elle vouloir changer la formule liant la représentativité à des élections par un régime où les organisations reconnues comme telles par discipline deviennent des interlocuteurs sur pieds d'égalité ? La différence de poids se jugerait dans les négociations par la capacité de nuisance (grèves, manifestations, refus d'accord) ou par la capacité ou non de faire accepter des accords. A qui la ministre pourrait penser? Par exemple traiter avec le GBS pour les spécialistes et avec le GBO et Domus Medica pour les généralistes ? Ou bien avec les conseils médicaux et les cercles de généralistes ou leurs associations ? Ou peut-être imiter les Régions et Communautés qui ont hérité de compétences de Santé. Elles ont refusé dans la succession la concertation et tous les conseils paritaires qui vont avec et où se faisait entendre la voix des gens concernés et connaissant le terrain.

Se débarrasser des corps intermédiaires caractéristiques de la démocratie participative, et de tous les contre-pouvoirs caractéristiques de la démocratie tout court, est un rêve des dirigeants politiques qui se voient en Jupiter. L'exemple du président du pays voisin, très fier d'avoir envoyé au magasin aux accessoires les corps intermédiaires dont les syndicats, mérite quand même réflexion. Il se retrouve confronté à une frustration virant à la haine délirante de gens ne se sentant plus entendus mais surtout s'estimant méprisés et déstabilisant pour ça l'ensemble des structures les plus établies. Et les communicants réputés du pouvoir ont beau clamer que ces révoltés ne sont pas représentatifs, et c'est d'ailleurs numériquement vrai, il n'empêche que l'Olympe ne sait comment arrêter les troubles et dommages causés par ces indignés en manque de justice et de reconnaissance. Ce n'est sans doute pas demain qu'on verra des " gilets blancs " bloquer les ronds-points de Belgique ou taguant le Palais royal. Il n'empêche qu'on comprend mal la position d'une ministre qui se met à ébranler le système qui lui facilite la vie. Pourquoi dénie-t-elle leur représentativité aux hommes et femmes qui prennent le risque de rendre acceptables ses idées dont demain dira si elles amélioreront ou ébranleront notre excellent système de santé.

Maggie De Block veut peut-être imiter les Régions qui ont refusé la succession de tous les conseils paritaires.

Maggie De Block clame que les syndicats médicaux sont à la limite de la représentativité. Une déclaration d'une ministre, vraie ou fausse, vise toujours un objectif politique. Alors on peut se demander où la ministre veut en venir. Depuis 50 ans, le système d'assurance maladie fonctionne sur une concertation Médecins mutuelles. Depuis quelques années, crise aidant, cette procédure se réduit dans les faits à un partage entre experts représentant les médecins et les Mutuelles d'un budget fixé par la ministre et parfaitement contrôlé. Les syndicats médicaux, même si c'est parfois de mauvaise humeur et avec des éclats de voix, participent au système d'une manière constructive et y apportent une expertise pratique irremplaçable. Il n'y a plus rien du syndicalisme de confrontation face aux réformes de Madame De Block : le réseautage des hôpitaux, bonne idée ; le tiers payant des généralistes, ça marche ; le paiement des prestations de faible variabilité, pourquoi pas. Même une réforme de l'Art de guérir dans laquelle la ministre dictera la déontologie et pourra réduire à 5 ans la durée de la licence d'exercice enlevant aux médecins toute velléité d'indépendance, ça va. Pas de problème non plus pour l'idée que le patient déciderait lui-même s'il doit confier ses soins à un médecin, un pharmacien ou à un paramédical, sur base de ses connaissances maintenant avérées en médecine grâce à internet, quitte à ce que le praticien consulté juge plus utile de l'envoyer à un autre et même éventuellement à un médecin. C'est l'avenir : On va substituer la formidable intelligence artificielle toujours au bout du fil au pauvre généraliste débordé. C'est moderne et met fin à cette conception centenaire alliant qualité des soins au diplôme justifiant le monopole médical. Quant à l'indexation, on est bien d'accord qu'insister serait indécent pour des médecins si riches. Et c'est peut-être pour cela que des médecins se détournent des syndicats et des élections qui leur paraissent ne servir à rien.Un signe qui ne trompe pas, c'est que lorsqu'elle consulte sur une réforme, la ministre ignore totalement les poids respectifs de la représentativité : elle discute avec une délégation de représentants dont elle fixe elle-même le nombre identique pour chaque syndicat. Le modeste MoDes a le même nombre de représentants à la table de négociations que l'Absym, cependant associé au GBS. C'est normal pour la ministre puisqu'elle les consulte comme experts, pas comme des partenaires ou des parties intéressées. C'est dès lors un peu fort de café qu'elle critique une représentativité qu'elle a tout fait pour évaporer. Mais peut-être s'agit-il de l'aboutissement de la longue politique de récupération par le Pouvoir des droits reconnus au corps médical et qui a créé un système de santé belge de qualité.Ce type de concertation, tout chef d'entreprise en rêverait et il se garderait bien de contester la représentativité de son syndicat-maison.Il faut se rappeler que les gouvernements successifs s'efforcent d'arriver à ce résultat depuis des années. Ils ont voulu diviser le corps médical et pour cela mettre en selle des petits syndicats qui n'avaient pas assez de cotisants pour vivre. Un Arrêté royal a donc fixé le nombre minimum de membres pour une reconnaissance de représentativité permettant de se présenter à des élections à 1.500 environ 5% du corps médical. Avec l'accroissement de celui-ci, ce montant n'en a plus correspondu qu'à 3%. Puis pour leur permettre d'exister, le gouvernement a aussi décidé de les financer par un budget public distribué selon le nombre de voix obtenues. Moins il y a de votants, plus chaque voix apporte une part plus grande du gâteau. Le but était de détacher la prospérité financière de chaque syndicat du nombre de cotisants, et de créer une dépendance de la représentativité aux subsides de l'Etat.Alors, une fois qu'on a dit cela, par quel système pourrait être tentée la ministre ?Pourrait-elle vouloir changer la formule liant la représentativité à des élections par un régime où les organisations reconnues comme telles par discipline deviennent des interlocuteurs sur pieds d'égalité ? La différence de poids se jugerait dans les négociations par la capacité de nuisance (grèves, manifestations, refus d'accord) ou par la capacité ou non de faire accepter des accords. A qui la ministre pourrait penser? Par exemple traiter avec le GBS pour les spécialistes et avec le GBO et Domus Medica pour les généralistes ? Ou bien avec les conseils médicaux et les cercles de généralistes ou leurs associations ? Ou peut-être imiter les Régions et Communautés qui ont hérité de compétences de Santé. Elles ont refusé dans la succession la concertation et tous les conseils paritaires qui vont avec et où se faisait entendre la voix des gens concernés et connaissant le terrain.Se débarrasser des corps intermédiaires caractéristiques de la démocratie participative, et de tous les contre-pouvoirs caractéristiques de la démocratie tout court, est un rêve des dirigeants politiques qui se voient en Jupiter. L'exemple du président du pays voisin, très fier d'avoir envoyé au magasin aux accessoires les corps intermédiaires dont les syndicats, mérite quand même réflexion. Il se retrouve confronté à une frustration virant à la haine délirante de gens ne se sentant plus entendus mais surtout s'estimant méprisés et déstabilisant pour ça l'ensemble des structures les plus établies. Et les communicants réputés du pouvoir ont beau clamer que ces révoltés ne sont pas représentatifs, et c'est d'ailleurs numériquement vrai, il n'empêche que l'Olympe ne sait comment arrêter les troubles et dommages causés par ces indignés en manque de justice et de reconnaissance. Ce n'est sans doute pas demain qu'on verra des " gilets blancs " bloquer les ronds-points de Belgique ou taguant le Palais royal. Il n'empêche qu'on comprend mal la position d'une ministre qui se met à ébranler le système qui lui facilite la vie. Pourquoi dénie-t-elle leur représentativité aux hommes et femmes qui prennent le risque de rendre acceptables ses idées dont demain dira si elles amélioreront ou ébranleront notre excellent système de santé.