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Journal du Médecin : Quel est l'objectif de cette ordonnance de soutien à la première ligne ?Didier Gosuin (défi) : Cette ordonnance crée un cadre pour développer la première ligne de soins. Elle répond au transfert de certaines compétences en soins de santé du fédéral vers les entités fédérées. Depuis la 6e réforme de l'État, la Cocom est responsable de la première ligne. Cette mission recouvre plusieurs problématiques : le regroupement dans une structure de première ligne et les mesures d'appui à cette première ligne, comme, par exemple, le mécanisme Impulseo. Il faut également tenir compte des relations que cette première ligne entretient avec d'autres niveaux de prise en charge, les hôpitaux ou d'autres secteurs d'aide à domicile.Est-ce que ce cadre manquait ? Il y avait-il une carence ?Nous avons acquis de nouvelles responsabilités. Il fallait créer le cadre juridique pour les exercer. Avant de le rédiger, il fallait se concerter avec les acteurs de ce secteur, d'autant plus que la réforme de l'État n'a pas été décidée en tenant compte de leur accord ou de leurs complicités. Elle a été un fait accompli, institutionnel. Moi-même, j'ai combattu cette sixième réforme de l'État. Nous, nous avons choisi la concertation avec les acteurs pour faire avancer les dossiers. Ce processus est plus long mais il est plus efficace. Il en est de même de notre Plan Santé (lire jdM 2550), nous avons préféré le préparer avec les intervenants plutôt que d'écrire rapidement un document qui aurait été critiqué vertement par le terrain.Dr De Volder, en tant que président de la FAMGB, vous étiez depuis des années demandeur d'une meilleure structuration de la première ligne. Cette nouvelle structure d'appui à la première ligne vous convient-elle ?Michel De Volder : Tout à fait. En 2012, la FAMGB avait déjà mené une profonde réflexion sur l'organisation des soins et sur la façon dont nous pouvions mieux travailler avec les différentes structures de première ligne : le Réseau local multidisciplinaire (RLMB), le Service de soins intégré à domicile (SISD) bruxellois, Palliabru... Celles-ci travaillaient en silo sans beaucoup de concertation et de communication. Or, le patient passe d'une structure à l'autre. D'où l'utilité d'une coupole unique pour réunir les acteurs de la première ligne, dont le médecin généraliste, pour collaborer mieux autour du patient. D'autant plus que la deuxième ligne réclamait déjà à l'époque une première ligne bien organisée pour pouvoir travailler plus rapidement et efficacement.Quand l'ordonnance " première ligne " va-t-elle prendre effet ?Didier Gosuin : Dès qu'elle sera publiée au Moniteur mais nous travaillons déjà depuis plus d'un an et demi au regroupement des quatre organismes de soutien : le RLM-B, la plateforme de soins palliatifs (Palliabru) et les deux services intégrés de soins à domicile (SISD). Il est indispensable d'avoir une plateforme de coordination entre les prestataires pour soutenir les généralistes qui ont plus de responsabilités - entre autres pour répondre au raccourcissement des séjours hospitaliers. Dans le cas contraire, certains généralistes se seraient peut-être enfuis alors qu'on connaît déjà une pénurie dans certains quartiers.Vous voulez également soutenir l'installation des médecins généralistes dans certains quartiers bruxellois en améliorant le mécanisme Impluseo. Comment allez-vous faire ?Didier Gosuin : Nous avons augmenté la prime Impusleo de 20.000 euros à 25.000 euros. Huit quartiers bruxellois en pénurie de généralistes ont été identifiés par l'Observatoire de la santé. On a demandé aux professionnels de valider ces études théoriques. La prime Impulseo sera différente en fonction du quartier où le médecin généraliste s'installe. Elle pourra être de 30.000 euros. À cela s'ajoute, les aides pour le secrétariat et pour l'informatisation de la pratique.Augmenter la prime Impulseo est-ce suffisant pour attirer des médecins dans des quartiers en pénurie ?Dr Michel De Volder : Cette prime pour contribuer à l'installation, mais elle n'est pas la mesure miracle qui va subitement résoudre ce problème. Une autre mesure importante est de bien structurer l'offre de soins. La fonction du médecin traitant est de poser des diagnostics, d'élaborer des traitements et de suivre la santé de ses patients. Il n'a pas les compétences pour faire cela tout seul. Il doit donc collaborer avec d'autres prestataires. S'il n'est pas entouré par des structures collaboratives, il va se décourager. Lui proposer 30.000 euros via le mécanisme Impulseo ne va l'aider si le reste ne suit pas.Didier Gosuin : La structuration de la première ligne est primordiale. La prime Impulseo est un incitant intéressant. Seule, c'est de l'argent jeté.Comment comptez-vous convaincre les différents prestataires d'entrer dans cette dynamique de structuration de la première ligne, via des colloques et des formations ?Didier Gosuin : Nous l'avons déjà fait ces dernières années.Dr Michel De Volder : Cette structuration de la première ligne a suscité un long débat au sein de la FAMGB entre 2011 et 2013. Nous avons proposé aux médecins, mais pas seulement à eux, de se prononcer. Nous avons invité nos partenaires - les coordinations de soins, les infirmiers à domicile, les pharmaciens... -autour de la table pour échanger nos idées. Nous avons élaboré notre Livre Blanc, que nous avons largement diffusé et qui reste une référence. Au sein de la FAMGB, nous avons développé des structures de coordination en santé mentale et pour lutter contre la précarité, grâce au soutien du ministre Gosuin.Au niveau terrain, nous constatons que de façon presque systématique les médecins se regroupent. Ils pensent et organisent leur travail différemment.Ils créent au niveau local des réunions de concertation. La " base " met donc en place cette collaboration et nous la structurons par le haut.La Fondation Roi Baudouin vient de créer une chaire de première ligne (lire JDM N°2570). Y êtes-vous associés ?Didier Gosuin : Tout à fait. Nous allons participer aux travaux de la chaire. Cette démarche est intéressante. Nous-mêmes nous avons lancé trois projets-quartiers sur la première ligne visant le maintien à domicile des personnes âgées.Dr Michel De Volder : Il est utile qu'une fondation ait une réflexion plus en profondeur sur l'efficacité du travail, sur les nouvelles formes de prise en charge et le bien-être des patients.Un Entretien De Vincent Claes