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En septembre 2017, un cas particulier arrive sur le bureau de la Commission : un médecin a pratiqué une euthanasie sur une patiente atteinte de démence et de Parkinson sans que celle-ci en ait fait la demande. Suite à la discussion autour de cette affaire, un médecin membre de la commission a donné sa démission." Il faut savoir que la réunion au cours de laquelle nous avons pris cette décision date du 5 septembre. Et l'affaire n'a éclaté dans la presse qu'au mois de décembre, à l'époque où deux parlementaires du CD&V ont demandé une évaluation de la loi ", explique Jacqueline Herremans. " Il y a des coïncidences de temps qui sont parfois...explicables. Lorsque nous avons eu notre débat au sein de la Commission, nous n'aurions pas pu faire un communiqué pour expliquer pourquoi ce dossier n'était pas transmis au parquet. "Le secret professionnel explique pourquoi la CFECE n'est pas sortie du bois directement après l'affaire. " La Commission n'a pas imposé au membre ayant démissionné de se taire, il n'y a pas eu d'omerta ", assure l'avocate. " Mais il y a simplement le fait que nous sommes tenus à la confidentialité. Je regrette la démission de médecin car nous aurions pu poursuivre la discussion. Le débat n'est jamais terminé. Il aurait pu nous apporter ses lumières, son point de vue. "Lors de cette réunion, rien ne laissait apparemment présager sa démission. " Il y a eu un débat, après avoir entendu le médecin. Il n'était même pas houleux. Disons que différents points de vue se sont exprimés. La difficulté que l'on avait par rapport à ce cas, c'est qu'en réalité, il ne s'agissait pas d'une euthanasie, puisqu'il n'y a pas eu de demande du patient Pour rappel, l'article 2 prévoit que 'pour l'application de la présente loi, il y a lieu d'entendre par euthanasie l'acte, pratiqué par un tiers, qui met intentionnellement fin à la vie d'une personne à la demande de celle-ci'. Je ne dirais même pas que la loi relative à l'euthanasie a été violée. Donc, que fait-on ? Cela sort du champ de compétence de la Commission. Mais ce n'est pas pour cela qu'il y aura des secrets ou une omerta autour de ce dossier : nous nous expliquerons dans notre rapport (qui analysera les cas d'euthanasie en 2016 et 2017, ndlr). "S'il ne s'agit pas d'une euthanasie, peut-être s'agit-il d'une sédation. " Il y a parfois des cas où on se demande si l'on est face à une sédation ou à une euthanasie ", reconnaît Jacqueline Herremans. " Dans le cas d'une sédation, une demande du patient n'est pas nécessaire. Il faut que le praticien propose ce traitement, et si la personne peut donner son consentement, tant mieux. Sinon, des personnes de la famille peuvent également participer à cette décision qui reste une décision médicale. Dans le cas d'espèce, par rapport au geste posé par le médecin, il s'agit d'une interruption volontaire de vie sans demande du patient. Alors, faut-il transmettre le dossier au parquet ? C'est très délicat. De toute façon, la loi prévoit une majorité des deux tiers qui n'a pas été atteinte. "N'y a-t'il pas d'autres instances à qui confier cette affaire ? " Aussi bien le parquet que l'Ordre des médecins pourraient se saisir de ce cas. C'est un fait. Mais, si dans le monde idéal, toute décision médicale doit avoir le consentement du patient, il y a des situations pour lesquelles - et je sors de mon rôle de membre de la Commission - le médecin se trouve dans une zone grise. Il se retrouve devant une personne qui agonise, qui a l'air de souffrir - elle a l'air puisqu'elle ne peut plus s'exprimer -, qui manifestement présente des symptômes de douleur. On sait qu'elle va mourir. On peut éventuellement, c'est vrai, dans de nombreux cas, procéder à ce moment-là à une sédation continue qui ira jusqu'au décès de la personne. On dispose de plus en plus de moyens permettant une mort confortable. Mais parfois, la situation est tellement aigüe que les médecins recourent à l'interruption volontaire de vie, c'est-à-dire administrer une dose létale. Peut-on pour autant les qualifier d'assassins ? Leur acte ne pourra-t-il pas être justifié par l'état de nécessité ? "On pourra rétorquer que l'interruption volontaire de vie est un acte où le médecin sait ce qu'il fait. Et que ces termes ne sont pas définis par la loi. " Mais comme les actes de chirurgie n'ont pas été définis par la loi ", répond Jacqueline Herremans du tac au tac. " Or, si on doit qualifier l'acte d'un chirurgien, c'est 'coups et blessures volontaires avec préméditation'. Mais l'acte est justifié par le but thérapeutique. "