...

Doté d'un capital de 100 millions d'euros plus 100 millions d'euros de garantie (ce qui souvent s'avère déterminant pour obtention du crédit bancaire), Wallonie Santé est un fonds d'investissement public dédié au secteur de la santé. Il ne s'agira pas d'une nouvelle structure, mais bien d'une filiale de la Sogepa, le bras financier de la Région wallonne pour la santé des entreprises.Les hôpitaux - tant généraux que psychiatriques - pourront profiter de ses services, mais "Wallonie Santé est bien plus que le secteur des hôpitaux", prévient Philippe Buelen (cdH), vice-président du comité de direction de la Sogepa et patron de Wallonie Santé. "Pour l'instant, nous avons analysé le secteur des hôpitaux puisque l'urgence est là. Mais, à côté, il y a les maisons de repos (MR), les maisons de repos et de soins (MRS), les résidences services, les centres de soins de jour et de nuit, ainsi que les établissements pour personnes handicapées." Wallonie Santé agit comme n'importe quel opérateur économique, avec les mêmes soucis de rentabilité. "Il ne s'agit pas des subsides", insiste l'ancien chef du cabinet de Maxime Prévot. Les dossiers présentés devront donc être rentables, tout au moins économiquement viables. La différence avec une banque traditionnelle : la possibilité d'octroyer un prêt subordonné, c'est-à-dire un prêt dont le remboursement n'est pas réalisé à échéance définie, mais uniquement au gré de l'établissement financier émetteur, en l'occurrence Wallonie Santé. Le prêt peut être assorti d'un taux élevé, "mais puisqu'il s'agit d'une intervention en quasi-capital d'un outil public, les taux d'intérêts seront réduits en conséquence", rassure Philippe Buelen.Même si la Banque européenne d'investissement (BEI) sera prochainement sollicitée pour venir renforcer les fonds propres de Wallonie Santé, ses 100 millions d'euros de capital ne pèsent pas bien lourd dans le plan de financement des hôpitaux. Rien qu'au niveau des infrastructures, les besoins des hôpitaux wallons s'élèvent à 3,5 milliards d'euros. Et il n'y a pour l'instant qu'1,3 milliards d'euros sur la table, par le biais du plan quinquennal de rénovation des infrastructures mis sur pied par Maxime Prévot. Un budget déjà amputé de 345 millions d'euros déjà attribués au Grand hôpital de Charleroi (GHDC).Mais l'idée est ailleurs. Il s'agit plutôt de compléter le tour de table financier. "D'ailleurs, Wallonie Santé n'a pas seulement vocation à prêter de l'argent. Nous venons également avec notre intelligence", prévient Philippe Buelen. L'homme met l'accent sur le smart money, c'est-à-dire investit non seulement des capitaux mais également du temps. Concrètement, la société endosse le rôle de conseil, de défense et de constitution de dossiers de demandes de financement. "On pourrait parfaitement étudier le dossier de financement d'une institution qui ne serait pas financée in fine par Wallonie Santé", détaille le CEO. "Nous remettrions alors un avis sur un dossier, et à charge de l'institution d'aller voir l'opérateur bancaire de son choix. Nous pourrions également considérer que Wallonie Santé prête son concours à la gestion, au management de l'outil qui bénéficie d'un financement." Dernière spécificité : la Sogepa (dont fait partie Wallonie Santé, ndlr) s'est vue confier une mission de tiers investisseur. "Nous pourrions donc participer, cofinancer des investissements réaliser pour économiser l'énergie dans les infrastructures hospitalières", détaille Philippe Buelen.Wallonie Santé est un enfant de quatre mois seulement. L'outil, qui n'a pas d'équivalent à Bruxelles et en Flandre, a été créé le 4 juillet 2018. "Nous sommes partis de deux constats : le poids du secteur de l'action sociale et de la santé est extraordinairement important et il s'agit d'une activité économique au sens de la réglementation européenne puisqu'il s'agit de prestations de soins contre rémunérations", explique le patron de Wallonie Santé. "En 2016, le secteur de la santé et de l'action sociale représentait 180.000 emplois (dont 100.000 rien que pour le secteur de la santé, ndlr), soit 15% de l'emploi total en Wallonie et 8 milliards d'euros de valeur ajoutée, ou 10% du PIB wallon. À titre de comparaison, il s'agit du premier secteur d'activité en Wallonie en termes d'emploi, et il est troisième en valeur ajoutée (derrière l'industrie et le commerce, ndlr)." La Wallonie brigue d'ailleurs la première place en termes d'activités liées à la santé au niveau européen et le secteur attire près d'un milliard d'euros d'investissements annuels.Aucun outil économique n'avait pourtant appréhendé la problématique. Ni les sociétés régionales d'investissement (SRI), ni la Sogepa, ni la Sowalfin (dont dépend notamment Impulseo), ni les Invests. Ce soutien qui existe dans d'autres domaines, tels que la culture - en particulier l'audiovisuel - était absent du domaine de la santé. "L'idée était de créer un outil qui viendrait, à côté des partenaires privés, soutenir le développement du secteur." Wallonie Santé n'est pas pour autant une structure créée ex nihilo mais une filiale de la Sogepa. Un détail qui a son importance en termes de gouvernance puisqu'il n'y aura pas de jetons de présence supplémentaires. "C'est le même personnel qui est en place, avec le même comité de direction et le même conseil d'administration. On ne crée pas de nouvel outil : on crée une nouvelle structure juridique. Une filiale à 100%."Quelques éléments expliquent pourquoi Wallonie Santé sort de terre maintenant, en Wallonie: le nouveau système de financement régional, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2019, ne permet pas de pallier la situation financière des hôpitaux, de plus en plus fragilisée par un système de financement inadéquat. "Le gouvernement wallon a changé le mode de financement passant du BMF au prix d'hébergement. Ce faisant, il y aura un financement moindre", analyse Philippe Buelen. L'homme, à la manoeuvre aux côtés de Maxime Prévot lors de l'élaboration du mécanisme de financement wallon, n'avait pas imaginé un tel impact sur les ratios de solvabilité et le taux d'endettement des hôpitaux. Pour rappel, le financement d'infrastructures est plafonné à 72,5% dans le mécanisme du prix d'hébergement, là où le BMF aurait pris en charge 80%. Pour les hôpitaux, il faudra donc recourir au financement propre ou à l'emprunt pour pallier ce manque de 7,5%. Or, l'étude Maha démontre que la situation financière des hôpitaux se dégrade, particulièrement en Wallonie (voir jdM2558). Résultat des courses : le flux de trésorerie (cashflow) des hôpitaux est faible. Un sixième des hôpitaux wallons n'ont même plus le cashflow suffisant pour rembourser leurs emprunts existants. Alors que dire si demain ces hôpitaux doivent rénover leurs infrastructures ? Les hôpitaux seront amenés à davantage s'endetter.Philippe Buelen avance également le côté aléatoire du nouveau système de financement wallon : "Dans le BMF, l'hôpital était financé sur 33 ans forfaitairement alors qu'ici, le financement est basé sur le prix d'hébergement en fonction de l'occupation des lits (et sur 25 ans, ndlr). Le financement n'est donc pas garanti." Ce qui change également le point de vue des banques prêtant aux hôpitaux en moins bonne posture financière : elles veulent sécuriser au maximum leurs placements. Enfin, la Région wallonne n'octroiera plus sa garantie aux investissements des hôpitaux, qui s'en retrouvent d'autant plus fragilisés. Wallonie Santé peut constituer une alternative, même si ce sont aux conditions du marché (l'hôpital paiera donc une prime en contrepartie de cette garantie). Cette fragilité financière des hôpitaux et ce nouveau mécanisme de financement constitue in fine un "momemtum" pour Philippe Buelen qui considère le moment idéal pour lancer un outil wallon de soutien financier pour accompagner le secteur de la santé.